Chaque trimestre Germaine Michel nous propose un texte en provençal en rapport avec l’actualité du calendrier. Pour cette fin d’année il est question des traditions de Noël en Provence.
Nous vaqui à la fin de 2021. Sènso vacino ni passo-sanitàri nimai sènso faire d’estampèu, l’ivèr arrivo…
Avèn tasta lou vin tira pèr Sant-Martin. La terro, après lou semenat de favo de Santo-Cilo, (que d’uno s’en fa milo…), embarnissado d’un fuian ei fuble de coulour, sèmblo endormido… Entanterin, Santo-Catarino a bello agué l’òli dins l’óulivo, mèfi dóu marrit Sant-Andriéu, que ‘‘lou fre es iéu » : es tèms alor d’abrita tout ce que cregne.
Decèmbre es aqui, mès de l’Avènt, dóu fre couiènt… Calèndo aprocho, dins lou biais de nouastro epoco, aquelo dei parlo-fouart escoundu pèr carriero esbléugissènto e escupissènt de musico pas gaire prouvençalo, aquelo dei boutigo beluguejanto pèr croumpadisso de touto meno de mangiho à la modo : ùstri, canard, dindo, fege-gras, pastissarié, gasariho…
Mai garden tradicioun ! Se coumençavian pèr semena de blad lou 4 de decèmbre ? »Quand lou blad vèn bèn, tout vèn bèn ! ».
E se demandavian à Santo-Barbo, nouastro Santo Patrouno dei poumpié, canounié, poudrié, artificié, petardié, de nous apara dóu tron ?
‘‘Santo-Barbo, Santo Flour, la crous de Nouastre-Segnour, quand lou tron passara Santo-Barbo mi gardara ». N’en prouficharian pèr óunoura, gramacia e felicita particularamen lei sóudat dóu fue, mai que mai meritous.
La viho de Nouvè, lei tres sietoun de blad, (representant la Santo-Trinitat), acoumpagna d’un brancun de visc e d’agréu, e de tres candèlo, abiharan lei tres napo blanco de la taulo calendalo, à l’óucasioun dóu »Gros Soupa ». N’óubliden pas un bouan pan de campagno…, e la sieto dóu paure.
Lou »Gros soupa » ! N’en vaqui un de bouan repas ! Maigre, que si partejo en famiho avans la messo de miejo-nue. D’efèt, nouàstreis aujòu manjavon aqui leis darnièreis ourtoulaio dóu jardin : espinard, caulet, bledo, cardo, giroundo, cougourdo… Es pas enebi de li ajusta de marlusso, d’anchoio… Pas ges de viandun. Uno bouano salado fèro -aquelo que fa caga grand-mèro- adurra de frescour avans l’incountournablo tiero dei trege dessèrt :
-Lei »mendiant » coumpausa de nose, avelano, amendo, figo seco : fruchado simbole d’ordre religious (Augustin Franciscan, Carme, Douminican…) ; la pasto de coudoun, lei dàti, lou meloun blanc d’ivèr, lou nougat blanc e lou nougat negre, lei poum, lei pero, lei rasin se, la fougasso, (o gibassié), la poumpo à l’òli…
Bèn segur lou gros soupa sera que mai goustous se coustejo uno crècho bèn enluminado de santoun -destrauca dóu cafoucho à la debuto dóu tèms Calendau. Mai chutttt : qu’acò empache pas nouàstreis angeloun de s’ana coucha e de faire lei plus poulit pantai !
Alor, bràveis ami legissèire, à-n-aquéu tèms de soulstice d’ivèr, fagués rintra au vouastre lume, calour e amour. Vous souvèti uno bouano e urouso annado 2022, bèn granado, bèn acoumpagnado, pleno de santa, d’amour e de reüssido. À l’an que vèn, e que si sian pas mai, que sichen pas mens !
Memèno de Flaiò.
Nous voici en fin de 2021. Sans vaccin, sans passe sanitaire, sans faire de bruit, l’hiver arrive…
On a goûté le vin tiré à la Saint-Martin. La terre, après la semence des fèves de Sainte-Cécile, (qu’une en fait mille…), vernie d’un tapis de feuilles aux multiples couleurs, semble endormie… Cependant, Sainte-Catherine a beau avoir l’huile dans l’olive, attention au méchant Saint-André, car : »le froid c’est lui » : il est alors temps de rentrer tout ce qui craint.
Décembre est là, mois de l’Avent, du froid cuisant… Noël approche, à la façon de notre époque, celle des haut-parleurs cachés dans les rues éblouissantes et crachant de la musique guère provençale, celle des boutiques étincelantes pour achats de toute sorte de victuailles à la mode : huîtres, canard, dinde, foie gras, pâtisseries, sucreries…
…Si on commençait par semer du blé le 4 décembre ?
»Quand le blé vient bien, tout vient bien ».
Et si on demandait à Sainte-Barbe, notre Sainte-Patronne des pompiers, canonniers, poudriers, artificiers, pétardiers…, de nous protéger du tonnerre ?
»Sainte-Barbe, Sainte-Fleur, la croix de Notre-Seigneur, quand le tonnerre passera, Sainte-Barbe me protégera ». On en profiterait pour honorer, remercier et féliciter particulièrement les soldats du feu, plus que méritants…
La veille de Noël, les trois soucoupes de blé (représentant la Sainte-Trinité), accompagnées d’une branchette de gui et de houx, et de trois bougies, habilleront les trois nappes blanches de la table calendale, à l’occasion du »Gros Souper ». N’oublions pas un bon pain de campagne et… l’assiette du pauvre.
Le »Gros Souper » ! En voici un de bon repas ! Maigre, il se partage en famille avant la messe de minuit. En effet, nos aïeux mangeaient les dernières récoltes potagères : épinards, choux, bettes, cardes, panais, courges… Il n’est pas défendu d’y ajouter de la morue, des anchois… Mais pas de viande. Une bonne salade sauvage, -celle qui fait c… grand-mère-, apportera de la fraîcheur avant l’incontournable palette des treize desserts :
Les »mendiants », composés de noix, noisettes, amandes, figues sèches : fruits symbolisant des ordres religieux (Augustins, Franciscains, Carmes, Dominicains…) ; la pâte de coings, les dattes, les melons d’hiver, le nougat blanc; le nougat noir, les pommes, les poires, les raisins secs, la fougasse (ou gibassier), la pompe à l’huile…
Bien sûr le gros souper ne sera que plus savoureux s’il côtoie une crèche bien illuminée de santons, -sortis du »cafoucho » au début du temps calendal. Mais chuuut : que ça n’empêche pas nos petits anges d’aller se coucher et de faire les plus beaux rêves !
Alors, amis lecteurs, en cette période de solstice d’hiver, faites entrer chez vous lumière, chaleur et amour. Je vous souhaite une bonne et heureuse année 2022, bien riche, bien accompagnée, pleine de santé, d’amour et de réussite. À l’an prochain, et, que si nous sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins…
Germaine Michel